Du Milieu Associatif à la Politique : Le Voyage de Bibi-Fatima ANLI
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J'ai rencontré Bibi-Fatima ANLI à La Réunion, dans la commune de Le Port, lors de la création de l'association Actions pour la Diversité, l'Excellence et la Réussite en 2020.
En tant que 9ème adjointe, elle se distingue par son expertise en Politique d'Insertion Professionnelle, un domaine dans lequel elle accompagne le public, les entreprises et les collaborateurs depuis neuf ans au sein de la Mission Intercommunale Ouest (M.I.O).
Ce qui m'a immédiatement frappée chez elle, c'est son mindset exceptionnel. Élue proche de la population, Bibi-Fatima est une professionnelle engagée et passionnée par son métier. Comment suis-je certaine qu'elle est au service des autres ? À chaque fois que je lui demande un service, elle a toujours une solution à proposer. Son dévouement et sa capacité à répondre aux besoins des autres sont tout simplement remarquables. De plus, elle aime prendre la parole pour inspirer, guider et conseiller, afin de donner force et persévérance aux jeunes.
Je suis heureuse de partager avec vous son histoire, car au-delà de sa casquette professionnelle, ses valeurs ainsi que son parcours peuvent réellement vous inspirer.
Excellente lecture !
Racha Mousdikoudine
Qui es-tu ? Quelle est ton histoire ?
Je suis Bibi-Fatima ANLI, j’ai 34 ans, née à Mayotte. Mère de trois garçons. Mon parcours est assez atypique. J'ai toujours été engagée dans le milieu associatif dès l'âge de 16 ans en tant que secrétaire d’une association de proximité. J'ai intégré la Maison Familiale Rurale (MFR) de l’Est en BEP Agriculture, une expérience qui s'est révélée être parmi les meilleures de ma vie. J'ai découvert une passion pour le jardinage et poursuivi mes études en BAC Service en Milieu Rural au lycée Cluny de Sainte-Suzanne. Pendant le BAC, j’ai fait un stage au sein de l’ARAST, ce qui m’a permis de découvrir le secteur social. C'était une évidence que le social faisait partie de moi. J’ai pu intégrer le BTS Economie Sociale Familiale (ESF) et j’ai poursuivi avec le Diplôme d’Etat de Conseillère en Economie Sociale (CESF) à l’IRTS de Saint-Benoît.
Je me suis engagée en politique. À 24 ans, j’ai effectué mon premier mandat. Pour mon deuxième mandat, j’ai la délégation de la politique d’insertion professionnelle, en tant que 9ème adjointe à la Ville du Port.
J’ai intégré la mission locale à 25 ans en tant que conseillère d’insertion professionnelle. Grâce à ce poste, j’ai pu développer ma polyvalence dans le champ de l’insertion, tant dans l’accompagnement des jeunes que dans le suivi des actions de formation. Cette polyvalence m’a donné envie d'aller plus loin en candidatant au poste d’agent de recrutement et de placement sur le dispositif spécifique Garantie Ambition (GADIAMB), qui accompagne les jeunes très éloignés du marché de l’emploi. Une belle expérience qui m’a permis d’être en relation avec les entreprises.
J’ai également occupé le poste de coordonnatrice projet DETAK (Déclenche ton avenir) à l’Ecole des Transitions Réunionnaises, des dispositifs de remobilisation destinés aux jeunes habitants des quartiers prioritaires de la ville (QPV) de la zone ouest.
J’occupe actuellement le poste de responsable de secteur (par intérim) de la mission locale de l’ouest de Saint-Paul, qui inclut le siège et plusieurs antennes. Mon rôle est de fluidifier l’information, de piloter la stratégie d’orientation et de réflexion, d’observer ce qui se passe sur le territoire, de nous associer ou de nous désengager en fonction de l’impact de notre présence, et de prendre en compte les enjeux globaux du territoire.
Sur le volet de l’insertion professionnelle, en quoi consiste ton travail ?
Accueillir, informer, accompagner et orienter le public, les acteurs économiques ainsi que les partenaires. D’ailleurs, en juillet et en août, il y a un pic d’inscriptions.
Pour accueillir et informer sur les dispositifs sur mesure qui s’adaptent à chaque étape du parcours du jeune, garantissant ainsi un soutien aux besoins et objectifs personnels.
Pour accompagner le public en respectant leurs demandes et aspirations, et dessiner ensemble leur propre chemin vers l’emploi et l’autonomie.
Grâce aux partenaires économiques, le public bénéficie d’un réseau d’entreprises partenaires, une passerelle dynamique pour des opportunités.
Travailler en maillage territorial avec les partenaires permet d’impulser des projets en faveur de la population. Chacun apporte son expertise, ce qui permet de proposer une offre de service étoffée.
Quels sont tes objectifs en tant que professionnelle ?
La mission locale a l’obligation d’accueillir, d’informer et d’orienter les jeunes déscolarisés jusqu’à 26 ans. L’objectif est d’informer chaque personne en fonction de ses besoins, tout en sachant que ces besoins évoluent constamment. Nous réalisons un diagnostic pour comprendre les raisons de leur venue, avec pour finalité de les orienter vers l'emploi.
En tant que professionnelle de l’insertion, comment organises-tu l'accueil et l'orientation des jeunes ?
Les conseillers et agents d’accueil jouent un rôle crucial. Le diagnostic permet de répondre au besoin exprimé et de partager les étapes de l’accompagnement, ce qui permet de déterminer si la prise en charge se fait chez nous ou ailleurs. Si la personne a déjà un rendez-vous, elle a désormais un référent qui poursuit son accompagnement, qu'il soit ponctuel ou contractualisé. La Mission locale ouest accueille le public du lundi au vendredi, de 8h à 12h et de 13h à 15h30, sauf le vendredi de 8h à 12h. Les personnes peuvent se présenter avec ou sans rendez-vous pour une prise en charge de leur demande, suivie d’un entretien avec leur conseiller pour un accompagnement adapté à leurs besoins.
Lorsque le jeune est en situation de détresse et s’adresse à son conseiller, on ne peut pas lui fermer les portes et simplement l’orienter vers des partenaires. Le conseiller offre de l’écoute, une posture fondamentale car le jeune a besoin d’espoir. De plus, la technicité du conseiller permet de mobiliser les dispositifs. Nous, les professionnels de l’insertion, sommes au fait des dispositifs locaux qui peuvent être mobilisés pour accompagner le public dans toutes leurs problématiques quotidiennes et de la vie professionnelle.
Peux-tu nous parler de l'importance de la personnalisation dans l'accompagnement des jeunes ?
Chaque situation est unique. Par exemple, un jeune peut être démuni, sans-abri ou en dépression. Il est essentiel de commencer par un échange pour comprendre sa situation. Grâce à notre maîtrise des nombreux dispositifs, nous sommes en mesure de fournir des suggestions appropriées. L’écoute active est un moyen de redonner espoir.
Quels types d'aides proposez-vous ?
Pour répondre aux besoins du public et être force de proposition, la M.I.O s’organise sous forme de pôles, ce qui facilite le lien intra-service :
- Pôle social : Foyer Jeune Travailleur au Port et l’intervention de travailleurs sociaux sur chaque territoire.
- Pôle innovation (dispositifs spécifiques).
- Pôle formation : une étape du parcours vers l’accès à l’emploi.
- Pôle service emploi : accompagner les jeunes et les entreprises.
Nous disposons d'aides d'urgence et d'une variété d'offres de services. Nous avons une plateforme de services qui permet d'être rapidement identifiés et de tirer parti des dispositifs internes. Nos pôles sociaux répondent aux besoins de soutien pour le montage de dossiers, les aides au logement et les démarches administratives.
Comment distingues-tu les différents professionnels intervenants ?
Il est crucial de faire la distinction entre les différents professionnels qui interviennent. Par exemple, pour une aide au logement, un jeune peut se rapprocher de son conseiller pour être orienté vers un travailleur social pour monter un dossier, ce qui constitue un engagement pluri-professionnel.
Comment adaptes-tu ton approche aux besoins spécifiques du territoire ?
Nous échangeons avec nos collaborateurs sur les difficultés et les situations rencontrées, et transformons ces défis en opportunités. Par exemple, avec le projet Trajectoire Océan Indien que j’ai initié lorsque j'étais conseillère. En tant que conseillers, nous devons adopter une posture d’adaptabilité pour répondre aux besoins spécifiques de chaque jeune.
Quels conseils donnerais-tu aux jeunes à la recherche d'un emploi, en stage ou en formation ?
Il est essentiel d'accepter les jugements et de travailler sur son savoir-être. Le langage corporel est crucial, tout comme l'importance des groupes d'appartenance. Se concentrer sur les soft skills est essentiel car le savoir-faire peut s'apprendre, mais le savoir-être prend toute une vie. Il faut être curieux de l'histoire du jeune et se concentrer sur sa motivation et ses expériences personnelles.
Comment surmonter les difficultés liées aux recherches d’emploi sans se décourager ?
La confiance en soi est clé. Par exemple, sur un CV, il faut montrer ses compétences et sa volonté d'apprendre. Les employeurs recherchent souvent des qualités humaines plus que des compétences techniques. Il faut aussi se préparer à gérer ses émotions et se concentrer sur ses objectifs.
Quel message veux-tu transmettre aux employeurs hésitant à embaucher des jeunes sans expérience ?
Se concentrer sur les soft skills est crucial. Les jeunes peuvent avoir des compétences précieuses et une grande motivation qui ne transparaît pas forcément sur leur CV. Il faut être indulgent et curieux de leur histoire, et comprendre leur motivation à travers leurs expériences personnelles et professionnelles.
Comment perçois-tu le travail ?
Le travail est notre première passion. Ce n’est pas comme les corvées à la maison qui sont obligatoires. J'aime venir au travail, collaborer avec mes collègues et trouver des solutions. Il est important de se poser la question : quel genre de manager je veux être ? Un bon manager doit être fidèle à sa personnalité et soutenir ses collaborateurs sans faire le travail à leur place.
Comment te sers-tu de tes difficultés ?
Mes difficultés font partie de mon histoire et c’est grâce à elles que je suis la personne que je suis aujourd’hui. Elles me permettent de comprendre et d’aider le public ainsi que les collaborateurs que j'accompagne.
Quel est ton message pour les jeunes qui veulent faire ce métier ?
Ton histoire de vie fait ta force. Ton identité est ta force. Mon vécu m’a menée jusqu’ici. Accepter les émotions qui arrivent, c’est se permettre de déplacer des montagnes. Partager les bonnes pratiques est important pour avoir un éventail de solutions possibles pour les problématiques que rencontrent les jeunes.
Cette interview a été réalisée par Racha Mousdikoudine et Sandra Daupiard.