Un Témoignage Bouleversant sur les Violences Sexuelles

Un Témoignage Bouleversant sur les Violences Sexuelles

« La douleur qui n'est pas exprimée en paroles murmure au cœur jusqu'à ce qu'il éclate. »

 

Le jeudi 15 juin 2023, à 17h00, une collègue de la Croix-Rouge m'informe qu'il y a un événement coorganisé par l'association HAKI ZA WANATSA auquel je dois absolument assister. Cette opportunité m'enthousiasme, car c'est l'occasion de découvrir un nouveau livre, écrit par un auteur que je pourrais rencontrer en personne. Ma collègue me précise que l’auteur travaille chez Proman.

Pendant que nous faisons du stop pour nous rendre au restaurant Le Faré à Labattoir, Mayotte, lieu de l'événement, elle me confie que l'auteur a été victime de viol. Mon sang se glace et je reste paralysée pendant un court instant, je fais comme une overdose face à un tel crime. Car oui, le viol est un crime. Cependant, cette fois-ci, je découvre l'horreur qu'a subie Nicolas avant de faire sa connaissance. À notre arrivée, lorsque je croise son regard, je reconnais cette souffrance indélébile que seules les âmes torturées comme nous peuvent comprendre.

Un an plus tard, je revois Nicolas, rayonnant. Son livre « Mon p'tit Loup », que je n'ai pas hésité à acheter dès notre première rencontre, demeure aux côtés de « Des cailloux sur la mer » dans mon cœur à jamais.

Je remercie Nicolas pour le courage qu'il a eu de prendre la parole au nom de toutes les filles et des garçons.

Je vous laisse découvrir l’histoire de Nicolas Puluhen, entre la France hexagonale, La Réunion et Mayotte

Bonne lecture !

Racha Mousdikoudine


Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Nicolas Puluhen, j’ai 52 ans et je suis originaire de Brest. Je vis depuis 8 ans dans l’Océan Indien. Je suis marié et j’ai deux enfants issus de deux unions différentes (26 et 15 ans). Je travaille pour un grand groupe de travail temporaire, PROMAN, où je gère et développe la zone Océan Indien.


Quel a été ton parcours professionnel jusqu'à présent ?
Avant même d’avoir achevé mes études, j’avais déjà trouvé un travail. À 24 ans, j’ai été propulsé responsable de la gestion de production et des achats dans l’industrie textile. Après 5 ans, j’ai changé de voie en acceptant un poste de responsable d’une agence d’intérim. J’y ai travaillé 5 ans avant de monter ma propre société de travail temporaire spécialisée dans les travaux d’accès difficiles (cordistes). En 2010, j’ai revendu cette société au groupe PROMAN. Après un voyage d’un an en famille à travers le monde, j’ai créé une autre société de location pour l’événementiel. En 2015, j’ai cédé cette société et décidé de retravailler dans le secteur du travail temporaire pour PROMAN, d’abord à Brest, puis dans l’Océan Indien à partir de 2016.


Pourquoi as-tu choisi de travailler dans le secteur du recrutement et des ressources humaines ?
Ayant évolué dans divers secteurs, allant du service à l’industrie en passant par le spectacle, l’intérim reste pour moi l’activité dans laquelle je me suis le plus épanoui, tant sur le plan humain que sur le plan purement professionnel.


En plus de ton rôle chez Proman, tu es également écrivain. Peux-tu nous parler de cette passion ? Quel est ton combat ?
C’est une passion très récente, car j’ai écrit mes premières lignes destinées à être éditées et lues il y a moins de deux ans. Cela a commencé comme un besoin de reprendre mon souffle pour ne pas étouffer.

C’était vital, mais je ne le savais pas encore au moment où j’ai entrepris de le faire. C’est en écrivant que j’ai compris beaucoup de choses. L’écriture est un véritable travail qui nécessite des phases de recherche et de réflexion. C’est ainsi que j’ai réalisé les conséquences des viols que j’ai subis enfant.

L’écriture m’a obligé à mettre des mots sur des faits, à les nommer pour les rendre réels. La sémantique autour des violences sexuelles est devenue une boîte à outils que j’ai utilisée pour comprendre et expliquer. Cela m’a poussé à partager mon expérience, à créer une association, et à militer pour cette cause essentielle. Avec le recul, je constate que j’ai écrit comme j’ai vécu : parfois apaisé, parfois tourmenté, les idées claires ou embrumées par des vapeurs d’alcool, reposé ou épuisé par des nuits blanches...


Tu es très engagé dans le milieu associatif. Qu'est-ce qui te motive dans cet engagement et quelles sont tes principales actions ?
L’État est totalement défaillant en matière de protection de l’enfance. Seules les associations parviennent à faire bouger les choses, à la marge. Quand on comprend cela, on a le devoir d’agir. J’ai ce pouvoir et cette expérience malheureuse, alors humblement, je les utilise pour aider les autres, pour soulager et pour prévenir. Mon expérience de vie passée dans le silence, la honte et les addictions s’avère puissante lorsqu’il s’agit d’aider ceux qui attendent secrètement de l’aide. J’ai permis à d’anciennes victimes d’avoir le déclic que j’ai inconsciemment attendu durant des décennies. Je suis fier et heureux d’avoir cette force en moi pour soulager les gens en souffrance. Il faut comprendre que cette souffrance mène tout droit à une mort prématurée. Les viols tuent à petit feu, ils condamnent, ils sont un attentat contre le sommeil.


Tu interviens régulièrement à Mayotte et à La Réunion dans le cadre de tes fonctions. Comment parviens-tu à équilibrer ta vie personnelle et professionnelle ?
J’ai toujours mêlé les deux avec une frontière ténue qu’il convient de ne pas perdre de vue. C’est mon équilibre. J’ai toujours travaillé en couple sans me contenter de mon boulot. Il y a toujours eu, à côté, une ou plusieurs associations dans lesquelles j’étais très actif. Ce que les gens observent avec admiration n’est en fait qu’un symptôme. Je suis contraint à une hyperactivité qui ne me laisse que peu de temps pour me morfondre, mais qui me fait parfois m’effondrer de fatigue. Oui, il y a de la réussite, et comment pourrait-il en être autrement lorsque l’on travaille tout le temps ? Heureusement qu’il y a de la réussite. La condamnation n’est-elle pas déjà assez sévère ?


Quelles difficultés as-tu rencontrées au cours de ta carrière et comment t'ont-elles aidé à renforcer tes capacités de résilience ?
La principale difficulté a été de vivre avec une souffrance secrète et de ne pas pouvoir (ou vouloir) la partager. Cette difficulté a engendré les autres : l’intolérance totale face aux injustices, les addictions, l’hyperactivité. Ce qui peut aider, c’est d’être en pleine conscience, de se rappeler constamment que tout le négatif est engendré par les agressions subies, de se dire qu’un jour on aura la force de se soigner. Mais encore faut-il tenir jusqu’à ce jour...


Si tu pouvais donner un conseil à ton toi plus jeune, que dirais-tu ?
« Parle ! Dis ce qu’on t’a fait ! » « Arrête de te déchirer la tête ! »


Quels conseils donnerais-tu aux jeunes qui souhaitent suivre un parcours similaire au tien ?

« Sois toi-même, respecte les autres, ne te laisse pas marcher dessus et apprends de tes erreurs ! »


Selon toi, comment pouvons-nous préparer la future génération à naviguer dans un monde en perpétuel changement ?

Les différentes générations doivent rester convaincues qu’elles ont à apprendre les unes des autres. Une fois que l’on a compris cela, logiquement ça doit fonctionner. Enfin, sur le papier... Jeune, jusqu’à 35 ans environ, j’ai adoré passer du temps avec des personnes plus âgées que moi. Aujourd’hui, je trouve plus de satisfaction à passer du temps avec des jeunes. Ils m’apportent davantage et m’empêchent de me laisser aller à une nostalgie improductive.

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